Le poste de pilotage /5
Le pilotage aux freins
Le pilotage aux commandes de frein peut consister à:
- freiner: appliquer de plus en plus de frein,
- maintenir une certaine quantité de frein,
- relâcher: appliquer de moins en moins de frein.
Pour décrire une action à la commande il faut parler de:
- l’amplitude utilisée: c’est à dire la quantité de frein tiré après le point de contact que l’on peut mesurer en centimètres.
- la vitesse d’action: la rapidité à laquelle on freine ou on relâche. Elle peut s’exprimer en centimètre par seconde.
À propos de la durée de maintien de l’action, voici une règle : plus on utilise d’amplitude, moins il faut maintenir l’action.
Le concept de débattement maximum aux commandes
Par “débattement maximum” on parle de deux choses: ce que peut tolérer la voile, ou bien ce que peut faire le pilote.
Pour la voile, le débattement maximum aux commandes évoque la longueur entre le point de contact et le point de décrochage en vol droit et stabilisé. Il varie selon les catégories de voiles et la charge alaire.
Pour connaître son débattement, il faut donc réaliser un décrochage: c’est le travail des pilotes d’essai et des homologations. Par exemple, une aile homologuée en catégorie A doit avoir un débattement d’au moins 55 à 65 cm (selon le poids du pilote). Un débattement de moins de 40 cm donne une homologation D ou F.
Pour information, vos élévateurs ont une longueur d’environ 45 cm (plus ou moins selon les constructeurs et les tailles de voiles).
Attention! nous verrons que le point de décrochage peut varier fortement.
- Par exemple, dans une grosse abattée pendulaire, le point de décrochage est beaucoup plus bas. Il est presque impossible de décrocher dans une forte abattée pendulaire.
- En revanche, une voile fermée ou cravatée peut décrocher bien plus haut que d’habitude.
Pour le pilote, le débattement maximum correspond à la quantité de frein que le pilote est bio-mécaniquement capable de tirer.
Cela dépend de la longueur de vos bras, de vos réglages de freins, de votre saisie de commande et de votre gestuelle.
Parfois, la force physique peut être un facteur limitant.
Il y a deux positions de frein fondamentales:
ON: pas de frein du tout. Laisser voler! Bras hauts!
OFF: freinage maximum de tout son débattement biomécanique (donc plus que le point de décrochage en vol stabilisé) pour dire STOP et affaler la voile par exemple ou bien freiner les méchantes abattées, ou encore pour provoquer un décrochage asymétrique afin de défaire une cravate etc.
Entre les deux, il y a toute la palette de pilotage. Bien sûr on n’utilise la plupart du temps qu’un tout petit débattement. Mais il faut être prêt à faire preuve d’autorité. Sans quoi c’est la voile qui domine son pilote.
A propos de la gestuelle
Partons de la position « ON », pas de frein, et voyons quelle gestuelle nous permet de passer à la position “OFF“, mains sous les fesses.
Le début de l’action consiste à tirer les commandes vers le bas (images 1, 2 et 3 ci-dessous avec une vue de profil et une vue de face)
Ce premier geste est puissant. Le pilote pourrait ainsi se tracter sur une barre fixe et lever tout le poids de son corps. Mais ce geste de traction a une limite. Une fois les mains au niveau de l’épaule, le coude est bloqué par le corps. C’est une « frontière morphologique ». Pour poursuivre le freinage, il faut tout d’abord remonter le coude.
Entre 3 et 4, le coude remonte vers l’arrière. Ce geste de rotation n’est pas puissant. Impossible de soulever ainsi le poids de son corps (à moins d’être particulièrement athlétique). Pour poursuivre le freinage, il faut faire pivoter l’avant-bras, un peu à la manière d’un bras de fer (entre les images 4 et 5). Là encore le pilote ne dispose pas de beaucoup de puissance.
Puis il devient possible de pousser vers le bas. Entre 5 et 6, le pilote pousse. Ce geste est à nouveau puissant et un pilote pourrait ainsi se hisser entre deux barres parallèles sans être un gymnaste confirmé. Nous avons donc trois zones de freinage et trois gestuelles.
La mauvaise gestuelle
Il existe une multitude de mauvaises gestuelles. Un des pires défauts est de freiner en faisant pivoter l’avant-bras vers l’avant.
C’est souvent suite à une position sellette trop en arrière.
Ce geste n’est ni puissant, ni précis.
C’est surtout un vilain défaut qui dévoilera toute sa problématique une fois confronté à de fortes et méchantes abattées. Nous verrons alors que les mains du pilote suivent les élévateurs. Le pilote croit freiner fort. Mais il ne freine pas du tout, et se prend des fermetures. Un tel défaut est difficile à diagnostiquer. Surtout dans la plupart des petites actions de pilotage. On le voit mieux une fois confronté à des gestes de plus grande amplitude. L’utilisation de la vidéo permet de le déceler. Mais ce défaut est encore plus difficile à corriger. Le mieux est donc de ne pas prendre de mauvaises habitudes.
La précision vient du poignet
Le poignet et les doigts sont capables de minuscules mouvements de grande précision. C’est ce qu’on utilise par exemple pour écrire. Dans le premier mouvement, le poignet travaille dans la direction de traction : il permet d’affiner la gestuelle au centimètre et d’avoir de très bonnes sensations. En revanche, dans le troisième mouvement, le poignet travaille perpendiculairement au sens de traction. Il ne permet pas d’affiner la gestuelle et de ressentir les informations aussi bien.
Alors pourquoi réduire la garde?
Pour avoir plus de force et plus de précision.
Plus de 90% des actions de pilotage sont de faible amplitude. Avoir une longue garde et un point de contact au niveau de l’épaule signifie donc que 90% de vos actions aux freins se font dans la pire zone pour le pilotage.
Ne vous étonnez pas de ne rien sentir, de manquer de précision. Réduire la garde et relever la hauteur du point de contact permet à 90% de vos actions de pilotage de se situer dans la meilleure zone pour le pilotage. Vous disposez de puissance et de précision, vous êtes paré pour faire face.
Pour avoir plus d’autorité
Car une longue garde ne permet pas de freiner autant qu’une garde réduite. Avec une longue garde votre position “OFF” risque de s’avérer insuffisante. Vous êtes donc vulnérable. Cela peut faire une grosse différence face, par exemple, à une méchante abattée, pour contrer une autorotation ou même simplement pour sortir d’un 360 neutre spiral.
Mais attention au sur-pilotage!
Réduire la garde c’est risquer davantage le sur-pilotage. Avec une garde de 15 cm, le pilote est effectivement bras hauts dans un rayon de 15 cm autour de la poulie. En revanche, avec une garde réduite à 3 cm poulie relevée, pour libérer effectivement les freins, il n’y a aucune marge d’erreur. Étant donné l’importance de cette position “bras hauts” (absolument pas de frein du tout) il est capital d’utiliser une technique imparable: le bras hauts sécurisé.
Le concept de “bras hauts sécurisé”
Il s’agit d’une technique facile et fondamentale. L’idée consiste à libérer totalement les freins (ON) en se tenant aux élévateurs, poulies relevées.
Se tenir!
Cela évite les gestes involontaires et permet au pilote de résister au twist en écartant les élévateurs.
C’est pour cette raison que dans mes guidages radio, je dis “bras hauts!” et non “lâche!”. Car s’il faut relâcher les freins, il faut aussi se tenir aux élévateurs.
Vos moniteurs vous ont certainement demandé de ne pas vous tenir aux élévateurs. Et effectivement, c’est une consigne que je comprends à l’occasion d’un stage d’initiation au parapente. Car il faut se tenir mais sans tirer sur les élévateurs. Donc une fois passé le stade de la découverte, il faut apprendre à se tenir. Les meilleurs pilotes se tiennent. Moi je me tiens, Raùl Rodriguez (champion du monde de voltige) se tient… Et vos moniteurs se tiennent certainement!
Je vous dis: tenez vous!
Cette technique est la seule qui fonctionne dans toutes les situations. Elle est redoutable d’efficacité. C’est le geste technique le plus important de tout ce manuel. S’il n’y avait qu’une seule chose à retenir de cet ouvrage, c’est ce concept de bras hauts sécurisé.
Si tout le monde faisait cela, il y aurait beaucoup moins de cascades d’incidents et de twists. Je vous accorde que dans 99% des situations, un “bras hauts approximatif” est suffisant. Mais dans 1% des cas, seul le pilote qui se tient aux élévateurs s’en sortira.
Et pour avoir le réflexe de se tenir à cet instant là, il faut se tenir tout le temps.
A chaque fois que l’action de pilotage consiste à libérer totalement les freins, il faut se tenir aux élévateurs. Je dis bien: à chaque fois! C’est le seul moyen d’avoir le bon réflexe le jour j.
Le monde se divise en deux catégories:
- ceux qui se tiennent à chaque fois aux élévateurs
- et ceux qui font des cascades d’incidents et qui twistent.
Vu l’importance de ce concept, nous y reviendrons souvent. En attendant commencez l’entraînement dès votre prochain vol! Pensez-y!
La gestuelle doit suivre le prolongement des élévateurs
Les élévateurs peuvent bouger par rapport au pilote. Le geste de freinage doit suivre le prolongement des élévateurs. Par exemple, face à une grosse abattée, la position « bras hauts » devient en fait « bras tendus vers l’avant ».
Pour freiner amplement dans le prolongement des élévateurs, il faut aller chercher une position “OFF” bras tendus en arrière.